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Les aventures de Monsieur – Une nouvelle

En octobre 2017 le comité de jumelage du Relecq-Kerhuon (Bretagne, France) – Bodmin (Cornwall, Angleterre) en coopération avec la ville du Relecq-Kerhuon a proposé un concours de nouvelles en langue anglaise pour jeunes et adultes.


Parce que le concours était proposé par l’association de jumelage, je voulais écrire une nouvelle qui faisait un lien entre Bodmin et Le Relecq-Kerhuon. Ou bien entre l’Angleterre et Le Relecq-Kerhuon car le début de la nouvelle était donné par l’association et elle commence à Londres :

„Ils étaient debout sur le quai de la gare de Victoria à Londres quand tout à coup ils virent…“. (“They were standing on the platform at Victoria railway station in London when suddenly, they saw…“.)

La longueur maximum de la nouvelle devait être deux pages. Dans le texte de la nouvelle ci-dessous j’ai ajouté une image.

Je me suis amusée à écrire la nouvelle et j’espère que ça vous fera plaisir de la lire.

La traduction de la nouvelle de l’anglais en français était un bon exercice et un défi pour moi. Surtout le passé simple n’est pas simple ;-).

Merci à mon amie Catherine pour son aide en français !

Bonne lecture !

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Les aventures de Monsieur


„Ils étaient debout sur le quai de la gare de Victoria à Londres quand tout à coup ils virent…“. Jenny lisait à haute voix le Daily Mail. Elle baissa le journal et croisa le regard de deux yeux marron qui l’observaient. « Cet article parle de vous Monsieur ! Il y a même votre photo ! » Assise sur le canapé à coté de lui, elle lui montra une image dans le journal. Monsieur lui lança un autre coup d’œil en-dessous de ses boucles blanches, avant de poser la tête sur ses genoux, en fermant les yeux. Jenny commença à lui caresser la tête pendant que la scène de la gare se déroulait dans son esprit…

Ça s’était passé sur le quai numéro16 où le départ du train pour Brighton était imminent. Jenny faisait des signes d’adieu de la main à son petit ami. Les portes étaient en train de se fermer, quand tout à coup un petit chien blanc sauta de la voiture la plus proche d’elle. A peine avait-il sauté sur le quai que la porte claqua derrière lui et le train s’ébranla.

Le chien courut directement jusqu’au banc le plus proche, leva la patte arrière pour uriner, ensuite il commença à renifler, suivant une trace sur le sol. Quand tout à coup il réalisa que le train avait disparu, il s’assit, rejeta la tête en arrière et poussa un long hurlement triste.

Les gens autour de lui se mirent à discuter : que fallait-il faire ? Quelqu’un vint avec un morceau de ficelle pour l’attacher au collier de chien, et Jenny appela le mobile de son petit ami dans le train. Elle apprit que le petit chien appartenait à une vieille dame ; très agitée de voir son chien disparaître, celle-ci avait essayé de tirer le signal d’alarme, mais heureusement d’autres passagers l’en avaient empêché. Il s’était avéré qu’elle se rendait au mariage de sa petite-fille en France. La vieille dame était en pleurs, retourner à Londres équivalait à rater le mariage. A Brighton, elle devait retrouver un ami qui voulait aller à Brest en prenant le ferry de nuit de Portsmouth à Saint Malo.

Madame Smith, la veille dame, avait été très loquace quand Jenny lui avait parlé au téléphone. Son fils était marié à une Française. Ils habitaient dans une petite ville près de Brest. C’était leur fille aînée Alice, qui se mariait ce week-end. Madame Smith avait expliqué qu’Alice et le chien avait une relation exceptionnelle, c’est pourquoi elle souhaitait vraiment que le chien l’accompagne au mariage. Le chien était un « Westie » et son nom était « Monsieur Curieux », d’après un personnage de livres pour enfants. Ce nom était l’idée d’Alice à cause de sa curiosité et parce qu’il fouinait partout. Mais normalement on l’appelait juste « Monsieur ».

Finalement Jenny proposa d’amener le chien en France, elle prendrait un long week-end de congé pour sillonner la Bretagne en voiture. Elle savait que ça lui plairait. Madame Smith avait donné le passeport du chien et de l’argent pour les frais de transport en Bretagne au conducteur du train. Jenny était allée les récupérer quand le train était revenu à la gare de Victoria.

Tôt le samedi après-midi Jenny arriva dans la petite ville du Relecq-Kerhuon près de Brest, peu de temps après que le mariage eut commencé à la mairie. Elle décida d’attendre dehors au bas des marches devant la salle de mariage. On ne l’attendait pas avant le soir. Jenny s’imaginait que Madame Smith et Alice seraient très heureuse de voir le chien à la fin de la cérémonie.

Un homme les dépassa et monta les marches quatre à quatre. Il ouvrit sans faire de bruit la porte de la salle de mariage et il se faufila vers la chaise libre la plus proche. Il avait laissé la porte entrouverte. Jenny pouvait voir les futurs mariés assis devant l’officier d’état civil.

Tout à coup le chien se mit à hurler. L’instant d’après il s’était libéré de la laisse en tirant sa tête du collier. Il fila en haut des marches et à l’intérieur de la salle.

« Monsieur ! Viens ici ! » Sans réfléchir Jenny l’avait appelé à voix haute. Toutes les personnes dans la salle tournèrent la tête. L’homme qui venait juste d’arriver, se leva de sa chaise et se dirigea vers Jenny. Le chien aboyait et geignait en essayant de sauter sur les genoux de la future mariée. Jenny voulait rentrer sous terre.

« Un instant, s’il vous plaît ! A moment please! » L’officier d’état civil s’adressait aussi bien en français qu’en anglais aux personnes présentes au mariage. « La mariée m’a dit que ce chien nommé ’Monsieur Curieux’ est le chien de sa grand-mère anglaise. Elle est très contente que le chien soit venu à son mariage, même si son arrivée a été un peu trop turbulente. Bon, il semble que Monsieur Curieux soit en effet très curieux de suivre le mariage de sa chère Alice. Maintenant, nous allons continuer la cérémonie. » L’officier sourit en se tournant vers le chien : « S’il vous plaît, Monsieur, assis ! »

Le chien regardait l’officier, et à la surprise de tous, il s’assis à coté de la future mariée où il resta calmement jusqu’à la fin du mariage.

Big Brother vous regarde – Une nouvelle

Comme l’année dernière l’association Lennvor et la médiathèque François Mitterrand au Relecq-Kerhuon ont organisé un concours de nouvelles dans le cadre du ”15ème Salon du livre” le 30 novèmbre 2014.

Le sujet du salon de cette année était “Le roman, quelle histoire!” Les nouvelles devaient commencer ainsi : “Qui a oublié ce roman?”

Quand j’ai vu le sujet du salon du livre et de la nouvelle, le roman de George Orwell “1984” m’est venu à l’idée. Un roman écrit en 1948 mais qui n’ont jamais eu autant d’actualité qu’aujourd’hui. Orwell n’aurait probablement jamais pu s’imaginer l’envergure de la surveillance en 2014.

C’était en avril 1984 que Winston Smith, le protagoniste de roman „1984“, commence à écrire son journal. Pour qui écrit-il? Sa réponse : Pour l‘avenir. Pour les gens qui ne sont pas nés.

Cela m’a donné l’idée d’envoyer le roman „1984“ dans le monde par BookCrossing, exactement 30 ans plus tard, en avril 2014. En anglais, français et allemand. J’ai mis en route les livres sur mon propre pseudo. Ils sont partis du Relecq-Kerhuon et j’ai reçu des nouvelles et des commentaires pour plusieurs de ces livres.

Pour la nouvelle du concours j’ai inventé le pseudo “Quinou2014”, et j’ai inventé les commentaires mais j’ai écrit ces commentaires sur la base des informations factuelles.

Selon les règles du concours la nouvelle devait avoir un maximum de trois pages dactylographiées. Dans le texte de ma nouvelle ci-dessous j’ai ajouté une image.

Avant de pouvoir envoyer ma nouvelle pour le concours j’avais besoin d’aide pour éliminer les erreurs de langage. Un grand merci à mes amis Lise, Babette et Marc qui ont corrigé le texte !

Sur le site de Lennvor vous pourrez voir qui a gagné le concours de 2014. Je n’ai pas gagné mais j’aime l’écriture et si je trouve intéressant le sujet du prochain Salon du livre, je me mettrai de nouveau à l’œuvre.

Ci-dessous la nouvelle “Big Brother vous regarde”. Je serai contente de lire vos commentaires. Bonne lecture !

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Big Brother vous regarde

« Qui a oublié ce roman ? »

C’est tôt le matin. Per-Félicien et sa soeur Julia viennent d’arriver en ferry de Saint Malo. Per-Félicien redit à haute-voix la question et lève au ciel le livre qu’il a trouvé sur une petite table dans le hall de la gare maritime de Portsmouth. Mais personne ne montre d’intérêt pour le livre.

« Bizarre… Le titre et le nom d’auteur ont été noircis par l’éditeur Penguin. » Il ouvre le livre et le tend à sa soeur. « Le titre et l’auteur sont à l’intérieur. 1984. Écrit par George Orwell. « 

Julia fronce les sourcils. « 1984 ? Pourquoi ont-ils noirci ce titre sur la couverture ? »

« Aucune idée. Mais voici, la surprise numéro deux ! Ce livre n’était pas oublié. » Per-Félicien lui montre un autocollant au verso de la couverture expliquant qu’ils ont trouvé un livre voyageur enregistré sur le site Internet de BookCrossing où on peut suivre son trajet.

Julia se connecte aussitôt sur Internet avec son smartphone pour en apprendre plus sur le livre. « Il est enregistré par un Quinou2014 et mis en route dans une ville en Bretagne. » Elle regarde la caméra au plafond du hall. « Si on pouvait voir la vidéo de la caméra qui nous observe, nous saurions qui a déposé 1984. »

« Nous voilà ! Welcome to England ! »

Per-Félicien et Julia se tournent vers leur oncle Brian et tante Mari-Françoise. Ils sont venus les chercher accompagnés de leur fille ainée Cathy qui a 16 ans comme sa cousine Julia et est de trois ans la cadette de son cousin.

Peu après cet acceuil chaleureux les trois jeunes sont assis sur la banquette arrière de la voiture et étudient le livre trouvé, pendant que l’oncle conduit en direction de la maison.

Quinou2014 a laissé un message aux lecteurs qui donne aux trois une idée du sujet :

Big Brother vous regarde !

Orwell n’aurait probablement jamais pu s’imaginer l’envergure de la surveillance d’aujourd‘hui… Par l’État et par des entreprises commerciales… Secret et moins secret… Implicitement accepté par nous avec l’utilisation d’Internet, des smartphones, GPS…

Quelles pensées vous viennent pendant la lecture du roman d’Orwell „1984“ ? Je suis curieux de lire vos commentaires sous le numéro BCID sur www.bookcrossing.com.

« Vous parlez du roman 1984 d’Orwell ? » L’oncle les regarde dans le rétroviseur. « Je l’ai lu au lycée. A mon avis on ne doit pas comparer la surveillance dans le roman avec celle de nos jours. La surveillance d’aujourd’hui est plutôt utile que menaçante. Pensons à la sécurité des enfants par exemple. J’ai installé une application de géolocalisation sur les portables de tous mes enfants qui me permet sur mon smartphone de voir l’endroit où ils sont et leurs trajets parcourus. Et s’ils sortent de la zone géographique convenue je reçois une alerte sms automatique. On peut les retrouver immédiatement si quelque chose arrive. »

« Ça conforte la confiance en nos enfants. On peut vérifier s’ils font ce qu’ils nous ont dit. » La tante se tourne vers Per-Félicien et Julia. « Vous n’avez pas une telle appli ? »

« Je n’accepterais jamais que mes parents s’attachent à mes pas à l’aide d’une appli ! » On pouvait entendre l’indignation de Per-Félicien. « Voudrais-tu que ton mari te suive ainsi ? »

« Moi, je n’ai rien à cacher. Mais tu as mal compris. Le but ce n’est pas le contrôle, mais la sécurité de la famille. »

« Fin de la vie privée aussi dans la famille. Le NSA et ses pairs vous remercient de votre aide. »

Per-Félicien voit que l’oncle et la tante échangent un regard rapide, mais ils ne rétorquent rien. Les filles commencent à discuter à voix basse, et Per-Félicien se met à lire le roman.

Le soir les trois jeunes sont assis devant l’ordinateur de Cathy.

« Regarde ! Quinou2014 a mis en route plusieurs exemplaires de 1984. Génial ! Celui-ci a déjà voyagé loin ! » Cathy pointe avec la souris sur un livre qui est arrivé à New York. « Et celui-là à Berlin. Et un autre à Cracovie. »

« J’ai hâte de lire ce roman. » Julia se tourne vers son frère. « Tu t’es plongé dans ce livre toute la journée. Parle-nous-en ! »

« Pour vous faire un court résumé… Le roman a été écrit par Orwell en 1948. Le personnage principal Winston Smith vit à Londres en 1984 dans l’état de l’Océanie sous le règne totalitaire de Big Brother et du Parti. Winston travaille au Ministère de la Vérité où on confisque, détruit, réécrit et redistribue des documents du passé pour qu’ils soient à tout moment en accord avec la politique actuelle du Parti. Il y a des télécrans partout, des télés avec des caméras et micros qui surveillent tout le monde, non seulement en public, mais aussi chez eux, et qui peuvent s’adresser par haut-parleur à chaque personne surveillée. Les personnes qui déplaisent au Parti sont arrêtées et après elles se volatilisent. »

« Incroyable ! Orwell l’a imaginé en 1948 ? » Cathy est sidérée. « Aujourd’hui, en Angleterre, il y a plusieurs millions de caméras de surveillance. Beaucoup sont équipées d’un haut parleur pour diffuser des ordres aux gens surveillés. Un jour j’entendais une caméra au centre ville ordonner à une femme de ramasser une feuille de papier qu’elle avait perdue. »

Julia fait un sourire coquin. « Tu me montres où se trouve cette caméra qui parle ? Je voudrais bien l’essayer. »

« Bien sûr mais tu dois faire ton expérience sans moi. Imagine juste que mon père apprenne que la voix d’une caméra a aboyé après moi au vu et au su de tout le monde. Ça me fait froid dans le dos. » Cathy frissonne. » J’en ai déjà marre de l’appli de papa sur mon téléphone. Mais si je ne l’accepte pas, il trouve ça louche. »

« C’est vraiment extrême que ton père te traque. » Julia hoche la tête.

« Tu penses ? » Cathy tape quelques mots sur Google. « Regardez ici alors ! »

Ce qui apparaît sur l’écran sont des articles sur la surveillance des enfants et des ados. Sur des parents qui fixent un bracelet au poignet de leurs enfants pour les géolocaliser… Sur les puces électroniques qui sont cousues aux vêtements dans le même but… Sur les écoles dans de nombreux pays où de telles puces électroniques dans les vêtements des élèves sont obligatoires… Sur les jolis ours en peluche équipés d’une caméra et d’un micro invisible…

« Distribuons de tels nounours à tous les enfants pour que les petits apprennent à aimer la surveillance. » Propose Per-Félicien sur le ton de l’ironie. « Euh, au fait, ça aurait été une bonne idée pour les Espions en Océanie, l’organisation où les enfants sont entrainés à dénoncer à la Police de la Pensée tous les personnes qui se révèlent être déviants et en opposition du Parti, même leurs propres parents. Chez Orwell les petits Espions reçoivent des cornets acoustiques. Dans le cadre de la préparation ludique à leur future mission ils les utilisent pour écouter par les trous de serrures. »

Per-Félicien jette un coup d’oeil sur Julia qui semble lire quelque chose sur l’ordinateur. « Tu n’es pas intéressée par ce que je raconte du roman ? »

« Mais si ! On peut faire deux choses en même temps, non ? » Julia regarde son frère et lève les yeux au ciel. « Je viens juste de voir que celui qui a trouvé le livre à New York a écrit un commentaire. Écoutez ça ! «

Une lecture effrayante. Big Brother chez Orwell c’est le Parti. Aujourd’hui Big Brother peut être un gouvernement autant que les multinationales. Ils nous traquent partout dans notre vie. Ils enregistrent nos habitudes sur Internet, nos activités et nos contacts sur les réseaux sociaux, ils fouillent dans nos mails, surveillent notre vie par de nombreuses applications sur nos smartphones et nos achats par les cartes de fidélité. Sans oublier les enregistrements par les caméras de surveillance. Et tout ça nous laisse plus ou moins indifférents ? Lisez 1984 !

Un court silence s’installe puis Cathy prend la parole. « Indifférent, non. Mais on s’adapte. »

« Tiens ! Cette personne à New York a ajouté une note ! » Julia le lit à haute voix.

Dernières nouvelles :

En Thaïlande, où la junte militaire a restreint les libertés publiques, censuré la presse et arrêté des opposants à la dictature, le roman 1984 est devenu un symbole de résistance. Les manifestants descendent dans la rue en lisant silencieusement le livre d’Orwell.

Cette semaine le magazine de bord de Philippines Airlines a recommandé à ses passagers en route pour la Thaïlande de ne pas apporter le roman 1984 d’Orwell, pour éviter d’être pris pour un opposant à la junte militaire.

« Qu’en penses-tu, Cathy ? On s’adapte ? » Per-Félicien la regarde, pensif. « Peut-être devrions-nous mettre en route pour la Thaïlande des exemplaires de l’édition Penguin ? »

« Demain matin je veux déposer notre livre sous l’oeil de la caméra de surveillance au centre ville. » Julia semble sérieuse et déterminée.

Le lendemain après-midi on peut lire un nouveau commentaire sur le livre sur le site de BookCrossing :

Nous sommes désolés mais ce livre est perdu. Ce matin nous avons déposé cet exemplaire de 1984 sur un banc sous l’oeil d’une caméra parlante pour tester si l’opérateur de caméra nous demande de le remporter. Mais la caméra n’a pas réagi. Peu après une femme s’est approchée du banc. Elle a pris le livre, l’a regardé et feuilleté. Tout à coup elle s’est tournée vers la poubelle et elle a jeté le livre dedans. Après son départ nous avons essayé d’ouvrir la poubelle pour récupérer le livre. Mais la caméra nous a aboyé d’arrêter immédiatement, dans le cas contraire notre photo serait utilisée pour la constitution d’un fichier. Nous nous sommes enfuies. Encore désolés.

Julia ouvre le livre qu’ils ont acheté à la librairie et se met à lire.

Une nouvelle : Le secret du bois de Keroumen

En novèmbre 2013 l’association Lennvor et la médiathèque François Mitterrand au Relecq-Kerhuon ont organisé un concours de nouvelles dans le cadre du ”14ème Salon du livre”.

Le sujet de concours était “Services secrets sans secrets – Agent 0029 Permis de lire”. Les nouvelles devaient commencer ainsi : “Allo, Agent 0029 ? vous trouverez votre ordre de mission à l’endroit habituel…..”

J’avais envie de participer au concours. Je savais, bien sûr, qu’après seulement un an en France je ne pouvais pas faire jeu égal avec les participants français concernant la capacité d’expression en langue française. Mais j’aime l’écriture, et je me suis mise à l’œuvre…

Avant de pouvoir envoyer ma nouvelle pour le concours j’avais besoin d’aide pour éliminer les erreurs de langage. Un grand merci à mes amis Babette et Marc qui ont corrigé le texte !

Sur le site de Lennvor (lien ci-dessus) vous pouvez voir qui a gagné le concours.

Selon les règles du concours la nouvelle devait avoir un maximum de trois pages dactylographiées. Dans le texte de la nouvelle ci-dessous j’ai ajouté des images.


Pour ce concours local je voulais écrire une nouvelle où l’action se déroulait au Relecq-Kerhuon. J’ai fait des recherches pour voir s’il y avait quelque chose dans l’histoire de la ville qui pouvait être la trame de mon histoire. Et je l’ai trouvé…

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Le secret du bois de Keroumen

« Allo, Agent 0029 ? Vous trouverez votre ordre de mission à l’endroit habituel… »

Comme d’habitude j’entends une voix synthétique à l’autre bout de la ligne. Je tape mon code personnel sur mon téléphone pour confirmer que c’est moi qui ai reçu le message.

« Merci et à la prochaine ! » Clic. La connexion est coupée.

Depuis ma formation d’agent, je n’avais rencontré qu’une seule fois quelqu’un en chair et en os. C’était le 21 décembre 2012 au Relecq-Kerhuon pendant la fête de « La nuit singulière ». Ce soir-là « ils » m’avaient contactée à la faveur de l’obscurité dans la foule qui suivait le spectacle « DéKrochons la Lune ». Outre mon code personnel, j’ai reçu une boîte contenant l’odeur de repérage des messages pour mon chien renifleur et la clé de cryptage pour les agents en service. Ainsi j’étais embrigadée dans le corps des agents actifs.

J’ai maintes fois pensé à ce soir-là. « Ils » avaient bien choisi le moment de notre rencontre. Décrocher la lune… C’est souvent la mission d’une agente comme moi.

La nuit singulière 21 décembre 2012 « DéKrochons la Lune »

Mais retour au message reçu à l’instant. Il faut que j’agisse sans délai.

« Kariad, au travail !»

Mon assistant, un chien noir renifleur très doué, sort vite de son panier et s’assoit devant moi me regardant plein d’espoir. Il aime beaucoup travailler et trouver des « choses ».

Cinq minutes plus tard nous sommes sur le sentier côtier en direction du pont Albert Louppe et du Bois de Sapins. Il fait chaud, le soleil brille et c’est presque la pleine mer. Je sais que Kariad a très envie de nager. Mais non, une nouvelle mission nous attend.

Au pont nous prenons le sentier qui mène à la maison de péage « Brest ». C’est la fin de l’après-midi du premier dimanche d’octobre. Le café a fermé ses portes pour l’hiver, de même que les expositions dans l’autre maison de péage. Tout est tranquille. Il n’y a pas un chat.

Je tends à Kariad une capsule de l’odeur qui marque la boîte aux lettres morte. Il renifle, puis il me regarde et commence à remuer la queue. Il est fin prêt pour la recherche.

« Kariad, apporte ! « Je détache la laisse de son collier, il se met aussitôt à la recherche.

Je le suis dans le Bois de Sapins.

Après trois minutes, il m’apporte la boîte aux lettres morte, comme d’habitude, un morceau de branche comme ceux que les chiens aiment rapporter. Je regarde la branche de plus près. Oui, elle est creusée et puis soigneusement rebouchée. Kariad l’a trouvée parmi la multitude de branches dans le Bois de Sapins. Bravo ! Il a bien mérité sa balle comme récompense.

Dans le Bois de Sapins

Il faut savoir que Kariad n’a pas encore beaucoup d’expérience pour la recherche des messages. Jusqu’il y a peu « ils » m’ont contacté presque exclusivement par courriel crypté, mais après les révélations des derniers mois sur l’espionnage d’Internet de certains services de renseignements, l’emploi des boîtes aux lettres mortes est en pleine recrudescence.

Une heure plus tard, je regarde le résultat du décryptage du message trouvé dans la boîte aux lettres morte :

BR9 QUE 250 – 6/7 248

J’ai déjà contrôlé le décryptage deux fois car je pensais que j’avais fait une erreur et que le résultat devait être un numéro d’immatriculation. Mais à chaque fois le résultat était le même. Peut-être s’agit-il d’une adresse au Relecq-Kerhuon : 9 Rue B… et d’un nom : Que… ? Mais que signifient les autres chiffres ? Mystère.

Kariad pose sa tête sur mes genoux m’interrogeant du regard : Peut-on faire une promenade ?

Je lui montre le message : « Tu vois ça ? Il faut qu’on résolve ce mystère avant de sortir ! »

Kariad renifle en direction de la feuille et émet un bref aboiement.

« D’accord. Tu es un excellent renifleur, mais tu ne sais pas lire. »

Lire… Livres… Pourrait-il s’agir d’un code d’un livre de la médiathèque ? Un coup d’oeil sur les romans que j’ai empruntés montre des codes différents. Mais ça pourrait être une piste… Malheureusement la médiathèque n’ouvre pas avant mardi. On doit patienter.

Le mardi révèle que cette piste était correcte. Le code est sur le dos d’un livre dans lequel les chiffres du message indiquent les pages et des paragraphes.

Plus tard dans la journée nous recevons des instructions plus précises sur notre mission.

Il faut que Kariad réactive ses connaissances de fouille pour trouver des objets métalliques. Il fait du bon travail. Dans la clairière du bois de Keroumen où a eu lieu un des Pique-niques Kerhorres cet été il trouve une fourchette argentée et une petite cuillère inox. Dommage pour les propriétaires que je ne puisse pas apporter les couverts au bureau des objets trouvés. Je les laisse sur l’endroit de la découverte, pour ne pas attirer l’attention sur moi et mon travail.

Le Pique-Nique Kerhorre dans la clairière du bois de Keroumen en été 2013

La boîte aux lettres morte suivante est faite d’une branche plus épaisse qu’habituellement. Elle contient deux petite verrines, dans chacune, il y a une pièce de monnaie. De monnaie ancienne. Une en bronze, l’autre en argent. La pièce en argent à l’effigie d’un empereur romain. Ont-« ils » vraiment fourni des pièces de monnaie romaine trouvées pendant la construction du viaduc sur l’Anse de Kerhuon en 1861- 62 ?

En tout cas, notre donneur d’ordre espère trouver un trésor au bois de Keroumen… Et ce n’est pas improbable… Dans les siècles derniers on a trouvé de la monnaie romaine à plusieurs endroits à Brest et alentours… Sans parler des découvertes très récentes dans d’autres régions, comme en juin 2012 près de Lyon entre 800 et 1000 pièces de bronze romaines… Et le trésor enorme en monnaie celtique et romaine d’une valeur de plusieurs millions d’Euros sur l’île de Jersey en juillet 2012… Ce n’est donc pas étonnant qu’on ait engagé les services secrets…

Mi-octobre, Kariad et moi sommes prêts à commencer la recherche du trésor au bois de Keroumen. A l’ordre « Kariad, cherche champignon » je l’ai entrainé à chercher les deux pièces de monnaie ancienne. J’amène toujours un guide des champignons et un panier où je mets des champignons comestibles que je trouve par hasard. Au cas où…

Les semaines suivantes nous donnent un bouton, deux boucles d’oreille dépareillées et une bague en argent… Il semble que Kariad reconnaisse l’odeur de l’argent dans la terre.

Un matin au début de novembre je décide encore une fois d’aller au bois de Keroumen par la rue Broussais. Nous passons la clairière du pique-nique, continuons tout droit avant de tourner à droite en direction de l’Anse. J’avais vu auparavant qu’il y avait beaucoup d’arbres tombés et déracinés dans cette partie du bois. Et les arbres déracinés creusent la terre…

Les feuilles brunes et sèches sous les arbres bruissent quand Kariad fouille en cherchant ses « champignons ». Peu après une clôture en fil de fer délimite le terrain à gauche du chemin. A droite, il y a beaucoup d’arbres déracinés. Trois grands chênes attirent mon attention, un épais et deux plus minces tombés et déracinés ensemble. Quelques-unes de leurs branches nues et sans écorce s’étirent vers le haut, les autres sont écrasées par terre depuis longtemps.

Juste au moment où je décide d’appeler Kariad, il vient de lui-même et se met en recherche autour des chênes. Il renifle intensément aux racines. Puis il s’arrête, émet un bref aboiement et se tient immobile en montrant de sa truffe un point au-dessous de cette grande masse de racines mêlées de terre, de plantes et de mousse.

Racines de trois grands chênes mêlées de terre, de plantes et de mousse

Kariad est très content de jouer avec sa balle, alors que j’enlève doucement la terre avec mes mains gantées. Un bouton cette fois aussi ? Quand je vois la pièce de monnaie dans la terre, je pense sur le coup que cette pièce en argent à l’effigie de l’empereur romain est tombée de ma poche. Mais je me rends rapidement compte que ce n’est pas possible car les pièces sont toujours dans leur verrine pour ne pas brouiller l’odorat sensible du chien. Je regarde vite autour de moi. Il n’y a personne en vue.

Je mets la pièce dans un petit sac fourni dans ce but et j’enregistre les coordonnées de l’endroit dans mon GPS. Puis nous rentrons rapidement à la maison, où je « leur » envoie immédiatement un message crypté.

Plus tard, dans l’après-midi, je cache parmis toutes les autres branches au Bois de Sapins la boîte aux lettres morte contenant les deux pièces de monnaie en verrines et le petit sac avec la pièce trouvée récemment. Je dois admettre que je suis très curieuse de savoir s’il y a plus de pièces de monnaie romaine à l’endroit de notre découverte, mais ma mission était de trouver la première pièce, maintenant les archéologues prendront en charge les fouilles.

Le lendemain, après notre promenade matinale, Kariad et moi rencontrons un voisin qui est juste rentré du bois de Keroumen avec son golden retriever. Il nous raconte qu’on est en train de fermer une grande partie du bois. Selon les informations données il s’agirait d’enlever tous les arbres déracinés dans ce secteur, et des archéologues auraient été mandatés pour fouiller le terrain à la recherche de traces romaines.

« Vous savez, on dit que Keroumen ou ‘Kerromen’ viendrait du latin ‘villa romanorum’. Imaginez qu’on y trouve les vestiges d’une villa ou d’un hameau romain ! »

Au moment où je lui confirme que moi aussi je trouve intéressant le travail des archéologues, mon téléphone se met à sonner. Je m’excuse, m’éloigne un peu et décroche.

J’entends la voix synthétique : « Marchandises reçues. Mission accomplie. »