Une nouvelle : Le secret du bois de Keroumen

En novèmbre 2013 l’association Lennvor et la médiathèque François Mitterrand au Relecq-Kerhuon ont organisé un concours de nouvelles dans le cadre du ”14ème Salon du livre”.

Le sujet de concours était “Services secrets sans secrets – Agent 0029 Permis de lire”. Les nouvelles devaient commencer ainsi : “Allo, Agent 0029 ? vous trouverez votre ordre de mission à l’endroit habituel…..”

J’avais envie de participer au concours. Je savais, bien sûr, qu’après seulement un an en France je ne pouvais pas faire jeu égal avec les participants français concernant la capacité d’expression en langue française. Mais j’aime l’écriture, et je me suis mise à l’œuvre…

Avant de pouvoir envoyer ma nouvelle pour le concours j’avais besoin d’aide pour éliminer les erreurs de langage. Un grand merci à mes amis Babette et Marc qui ont corrigé le texte !

Sur le site de Lennvor (lien ci-dessus) vous pouvez voir qui a gagné le concours.

Selon les règles du concours la nouvelle devait avoir un maximum de trois pages dactylographiées. Dans le texte de la nouvelle ci-dessous j’ai ajouté des images.


Pour ce concours local je voulais écrire une nouvelle où l’action se déroulait au Relecq-Kerhuon. J’ai fait des recherches pour voir s’il y avait quelque chose dans l’histoire de la ville qui pouvait être la trame de mon histoire. Et je l’ai trouvé…

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Le secret du bois de Keroumen

« Allo, Agent 0029 ? Vous trouverez votre ordre de mission à l’endroit habituel… »

Comme d’habitude j’entends une voix synthétique à l’autre bout de la ligne. Je tape mon code personnel sur mon téléphone pour confirmer que c’est moi qui ai reçu le message.

« Merci et à la prochaine ! » Clic. La connexion est coupée.

Depuis ma formation d’agent, je n’avais rencontré qu’une seule fois quelqu’un en chair et en os. C’était le 21 décembre 2012 au Relecq-Kerhuon pendant la fête de « La nuit singulière ». Ce soir-là « ils » m’avaient contactée à la faveur de l’obscurité dans la foule qui suivait le spectacle « DéKrochons la Lune ». Outre mon code personnel, j’ai reçu une boîte contenant l’odeur de repérage des messages pour mon chien renifleur et la clé de cryptage pour les agents en service. Ainsi j’étais embrigadée dans le corps des agents actifs.

J’ai maintes fois pensé à ce soir-là. « Ils » avaient bien choisi le moment de notre rencontre. Décrocher la lune… C’est souvent la mission d’une agente comme moi.

La nuit singulière 21 décembre 2012 « DéKrochons la Lune »

Mais retour au message reçu à l’instant. Il faut que j’agisse sans délai.

« Kariad, au travail !»

Mon assistant, un chien noir renifleur très doué, sort vite de son panier et s’assoit devant moi me regardant plein d’espoir. Il aime beaucoup travailler et trouver des « choses ».

Cinq minutes plus tard nous sommes sur le sentier côtier en direction du pont Albert Louppe et du Bois de Sapins. Il fait chaud, le soleil brille et c’est presque la pleine mer. Je sais que Kariad a très envie de nager. Mais non, une nouvelle mission nous attend.

Au pont nous prenons le sentier qui mène à la maison de péage « Brest ». C’est la fin de l’après-midi du premier dimanche d’octobre. Le café a fermé ses portes pour l’hiver, de même que les expositions dans l’autre maison de péage. Tout est tranquille. Il n’y a pas un chat.

Je tends à Kariad une capsule de l’odeur qui marque la boîte aux lettres morte. Il renifle, puis il me regarde et commence à remuer la queue. Il est fin prêt pour la recherche.

« Kariad, apporte ! « Je détache la laisse de son collier, il se met aussitôt à la recherche.

Je le suis dans le Bois de Sapins.

Après trois minutes, il m’apporte la boîte aux lettres morte, comme d’habitude, un morceau de branche comme ceux que les chiens aiment rapporter. Je regarde la branche de plus près. Oui, elle est creusée et puis soigneusement rebouchée. Kariad l’a trouvée parmi la multitude de branches dans le Bois de Sapins. Bravo ! Il a bien mérité sa balle comme récompense.

Dans le Bois de Sapins

Il faut savoir que Kariad n’a pas encore beaucoup d’expérience pour la recherche des messages. Jusqu’il y a peu « ils » m’ont contacté presque exclusivement par courriel crypté, mais après les révélations des derniers mois sur l’espionnage d’Internet de certains services de renseignements, l’emploi des boîtes aux lettres mortes est en pleine recrudescence.

Une heure plus tard, je regarde le résultat du décryptage du message trouvé dans la boîte aux lettres morte :

BR9 QUE 250 – 6/7 248

J’ai déjà contrôlé le décryptage deux fois car je pensais que j’avais fait une erreur et que le résultat devait être un numéro d’immatriculation. Mais à chaque fois le résultat était le même. Peut-être s’agit-il d’une adresse au Relecq-Kerhuon : 9 Rue B… et d’un nom : Que… ? Mais que signifient les autres chiffres ? Mystère.

Kariad pose sa tête sur mes genoux m’interrogeant du regard : Peut-on faire une promenade ?

Je lui montre le message : « Tu vois ça ? Il faut qu’on résolve ce mystère avant de sortir ! »

Kariad renifle en direction de la feuille et émet un bref aboiement.

« D’accord. Tu es un excellent renifleur, mais tu ne sais pas lire. »

Lire… Livres… Pourrait-il s’agir d’un code d’un livre de la médiathèque ? Un coup d’oeil sur les romans que j’ai empruntés montre des codes différents. Mais ça pourrait être une piste… Malheureusement la médiathèque n’ouvre pas avant mardi. On doit patienter.

Le mardi révèle que cette piste était correcte. Le code est sur le dos d’un livre dans lequel les chiffres du message indiquent les pages et des paragraphes.

Plus tard dans la journée nous recevons des instructions plus précises sur notre mission.

Il faut que Kariad réactive ses connaissances de fouille pour trouver des objets métalliques. Il fait du bon travail. Dans la clairière du bois de Keroumen où a eu lieu un des Pique-niques Kerhorres cet été il trouve une fourchette argentée et une petite cuillère inox. Dommage pour les propriétaires que je ne puisse pas apporter les couverts au bureau des objets trouvés. Je les laisse sur l’endroit de la découverte, pour ne pas attirer l’attention sur moi et mon travail.

Le Pique-Nique Kerhorre dans la clairière du bois de Keroumen en été 2013

La boîte aux lettres morte suivante est faite d’une branche plus épaisse qu’habituellement. Elle contient deux petite verrines, dans chacune, il y a une pièce de monnaie. De monnaie ancienne. Une en bronze, l’autre en argent. La pièce en argent à l’effigie d’un empereur romain. Ont-« ils » vraiment fourni des pièces de monnaie romaine trouvées pendant la construction du viaduc sur l’Anse de Kerhuon en 1861- 62 ?

En tout cas, notre donneur d’ordre espère trouver un trésor au bois de Keroumen… Et ce n’est pas improbable… Dans les siècles derniers on a trouvé de la monnaie romaine à plusieurs endroits à Brest et alentours… Sans parler des découvertes très récentes dans d’autres régions, comme en juin 2012 près de Lyon entre 800 et 1000 pièces de bronze romaines… Et le trésor enorme en monnaie celtique et romaine d’une valeur de plusieurs millions d’Euros sur l’île de Jersey en juillet 2012… Ce n’est donc pas étonnant qu’on ait engagé les services secrets…

Mi-octobre, Kariad et moi sommes prêts à commencer la recherche du trésor au bois de Keroumen. A l’ordre « Kariad, cherche champignon » je l’ai entrainé à chercher les deux pièces de monnaie ancienne. J’amène toujours un guide des champignons et un panier où je mets des champignons comestibles que je trouve par hasard. Au cas où…

Les semaines suivantes nous donnent un bouton, deux boucles d’oreille dépareillées et une bague en argent… Il semble que Kariad reconnaisse l’odeur de l’argent dans la terre.

Un matin au début de novembre je décide encore une fois d’aller au bois de Keroumen par la rue Broussais. Nous passons la clairière du pique-nique, continuons tout droit avant de tourner à droite en direction de l’Anse. J’avais vu auparavant qu’il y avait beaucoup d’arbres tombés et déracinés dans cette partie du bois. Et les arbres déracinés creusent la terre…

Les feuilles brunes et sèches sous les arbres bruissent quand Kariad fouille en cherchant ses « champignons ». Peu après une clôture en fil de fer délimite le terrain à gauche du chemin. A droite, il y a beaucoup d’arbres déracinés. Trois grands chênes attirent mon attention, un épais et deux plus minces tombés et déracinés ensemble. Quelques-unes de leurs branches nues et sans écorce s’étirent vers le haut, les autres sont écrasées par terre depuis longtemps.

Juste au moment où je décide d’appeler Kariad, il vient de lui-même et se met en recherche autour des chênes. Il renifle intensément aux racines. Puis il s’arrête, émet un bref aboiement et se tient immobile en montrant de sa truffe un point au-dessous de cette grande masse de racines mêlées de terre, de plantes et de mousse.

Racines de trois grands chênes mêlées de terre, de plantes et de mousse

Kariad est très content de jouer avec sa balle, alors que j’enlève doucement la terre avec mes mains gantées. Un bouton cette fois aussi ? Quand je vois la pièce de monnaie dans la terre, je pense sur le coup que cette pièce en argent à l’effigie de l’empereur romain est tombée de ma poche. Mais je me rends rapidement compte que ce n’est pas possible car les pièces sont toujours dans leur verrine pour ne pas brouiller l’odorat sensible du chien. Je regarde vite autour de moi. Il n’y a personne en vue.

Je mets la pièce dans un petit sac fourni dans ce but et j’enregistre les coordonnées de l’endroit dans mon GPS. Puis nous rentrons rapidement à la maison, où je « leur » envoie immédiatement un message crypté.

Plus tard, dans l’après-midi, je cache parmis toutes les autres branches au Bois de Sapins la boîte aux lettres morte contenant les deux pièces de monnaie en verrines et le petit sac avec la pièce trouvée récemment. Je dois admettre que je suis très curieuse de savoir s’il y a plus de pièces de monnaie romaine à l’endroit de notre découverte, mais ma mission était de trouver la première pièce, maintenant les archéologues prendront en charge les fouilles.

Le lendemain, après notre promenade matinale, Kariad et moi rencontrons un voisin qui est juste rentré du bois de Keroumen avec son golden retriever. Il nous raconte qu’on est en train de fermer une grande partie du bois. Selon les informations données il s’agirait d’enlever tous les arbres déracinés dans ce secteur, et des archéologues auraient été mandatés pour fouiller le terrain à la recherche de traces romaines.

« Vous savez, on dit que Keroumen ou ‘Kerromen’ viendrait du latin ‘villa romanorum’. Imaginez qu’on y trouve les vestiges d’une villa ou d’un hameau romain ! »

Au moment où je lui confirme que moi aussi je trouve intéressant le travail des archéologues, mon téléphone se met à sonner. Je m’excuse, m’éloigne un peu et décroche.

J’entends la voix synthétique : « Marchandises reçues. Mission accomplie. »

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